La pluie apporte les espérances...

Akyo entra juste à temps dans l’enceinte de l’école d’arts martiaux. Le Sensei était déjà en train de faire l’appel. Environ quarante hommes entre 6 et 30 ans étaient présents. La majorité d’entre eux étaient des jeunes garçons orphelins et sans emploi n’ayant d’autre choix que de demander la charité de l’établissement.

Akyo faisait parti de ceux-là. Tout ce qu’il possédait il le portait sur lui : un hakama usé, une veste de kimono en lin, des tabis ainsi qu’une paire de gettas trop petites. C’était tout. Même le katana avec lequel il s’entraînait ne lui appartenait pas. C’est pourquoi il lui était inconcevable de songer à quitter cette école. Il se pliait donc aux règles, comme tous les autres, et en avait pris l’habitude depuis maintenant 12 années d’apprentissage.

Une fois l’appel terminé, les élèves saluèrent leur Sensei puis se dispersèrent. Akyo s’approcha d’une porte coulissante qui menait dans les jardins intérieurs de l’école et l’ouvrit.

Dehors, une pluie fine arrosait le jardin zen et animait la surface du petit bassin. Le soleil, caché derrière d’épais nuages, n’illuminait plus les écailles dorées des carpes. Il fit un pas dehors, remis ses gettas et ferma le panneau derrière lui. Il s’avança au milieu du jardin, jeta un coup d’œil par-dessus son épaule pour s’assurer qu’on ne le suivait pas, puis bifurqua soudainement en direction de la palissade de bambou, derrière le grand cerisier. Cette palissade avait la particularité d’être mitoyenne avec celle de l’école de Geisha et comportait de nombreuses fentes. Akyo posa son œil droit contre l’une d’elles.

De là où il était, il pouvait voir la cour de l’école et les salles de classe du rez-de-chaussée. Il aperçu des formes se mouvoir au rythme des accords d’un shamisen. Cette musique semblait être jouée pour les jours de pluie comme celui-ci car chaque goutte accompagnait la douce mélodie avec harmonie.

Lui, la pluie ne le gênait pas, bien au contraire. Il aurait put rester ainsi adossé à la palissade pendant plusieurs heures sous une pluie battante, pourvu que les accords de l’instrument lui parviennent.

A présent, il était aussi trempé que s’il avait sauté dans le bassin des carpes. Ses cheveux ramenés en arrière lui gouttaient le long du dos et il dut remonter son hakama plusieurs fois car la pluie rendait ses hanches glissantes. Mais il ne se décida pas à rentrer s’abriter pour autant; le shamisen lui faisait oublier ses malheurs et lui était propice à la réflexion. Et puis il apercevrait peut-être la jeune Maiko qui lui avait adressé la parole il y a peu, s’abritant sous l’une de ses magnifiques ombrelles japonaises…